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Les Rois Souterrains

HENRI V : DERNIERE DEMEURE VERSAILLAISE

9 Novembre 2013 , Rédigé par Les Rois Souterrains Publié dans #HENRI V, #CHARLES X

"1873.19 novembre. Versailles. Neuf heures sonnent à la cathédrale. A proximité, dans un quartier sans réverbères, loin des commerces et des fiacres, au fond d'une rue déserte, froide, noire, un quidam s'esquive d'une maison cossue et s'évanouit dans le brouillard. Vite. Tête baissée. La pluie recommence. Le jeune homme qui se hâte vers le palais s'appelle Dreux-Brézé. Il a trente-deux ans. En 1845, à la mort de son oncle, Edouard-Emmanuel a hérité de la charge de Grand-Maître des Cérémonies que cet oncle Scipion avait lui-même reçue de son père, Henri-Evrard, l'ordonnateur des ultimes pompes de la vieille Monarchie, décédé à soixante-trois ans en 1829, quelques mois avant la chute. Pourquoi, quarante-trois ans après la double abdication de Rambouillet, un Dreux-Brézé se rend-il nuitamment dans ce château de Versailles dont sa famille a si longtemps réglé l'apparat? Les députés n'y ont-ils pas remplacé les courtisans?

Dans la maison d'où sort le marquis de Dreux-Brézé, au 5 rue Saint-Louis, un jardinet isole l'habitation principale d'un petit pavillon. Un vestibule obscur et cinq chambres au premier étage. Dans l'une d'elles, un homme d'une cinquantaine d'années, corpulent, dégarni et barbu joue au whist. Ce jeu et le bleu de ses yeux éclairent-ils son identité?

Celui qui occupe provisoirement cette modeste demeure versaillaise n'est autre que le descendant direct du bâtisseur du fabuleux château! Celui qui se terre ici incognito a pour ancêtre le Roi-Soleil! Et Saint Louis. C'est le petit-fils de Charles X, le fils du duc de Berry : l'ex-petit duc de Bordeaux, devenu le gros comte de Chambord. Et il joue au whist, e compagie de Maxence de Damas, chef de ses écuries, fils du gouverneur de son enfance.

Etalé sur le divan pour ne pas le froisser, trône son uniforme de Lieutenant-Général du Royaume commandé chez Staub, barré d'un grand cordon de la Légion d'Honneur avec la plaque à fleur de lys exécutée par Lemoine, surmonté d'un bicorne à plumes blanches. Dans une écurie voisine et sûre, le cheval de l'entrée solennelle dans la capitale, entraîné tous les matins au Champ-de-Mars devant une foule de badauds empressés et les carrosses assemblés par Binder. Bleues galonnées blanc et rouge, les livrées du service ont été taillées selon l'ancien modèle en vigueur à la Cour de France. Partout on a fabriqué des millions de lampions ornés du monogramme royal, des tonnes d'insignes chambordistes. Les timbres-poste à l'effigie du nouveau souverain sont gravés. Tout est prêt pour la renaissance des Rois! A cinq cents mètres de la planque de l'aîné des Bourbons, l'Assemblée nationale qui occupe le château de sa famille s'apprête à le proclamer " Henri V "!

Quarante-trois ans après Cherbourg.

Comme Louis XVIII dans la nuit du 5 avril 1814 à Hartwell, au soir du 19 novembre 1873, à Versailles, Henri V attend que son pays, une nouvelle fois fourvoyé dans la ruine de la guerre et l'humiliation de la défaite par la dictature d'un Bonaparte, rappelle les Bourbons sur le trône de France.

Edouar-Emmanuel de Dreux-Brézé, chef du bureau du comte de Chambord à Paris ayant repris sa charge de Grand Maître des Cérémonies, pourra alors organiser le triomlphal retour de Sa Majesté, drapeaux blancs aux fenêtres, fleurs de lys dans les coeurs! Les retrouvailles de tout un peuple avec son souverain! Cloche à toute volée! Vive Henri V! Vive le Roi!

(...)

17 novembre 1873. Deux journées décisives pour la propagation des pouvoirs de Mac-Mahon commencent. Dès la première séance, le chef du ministère, le duc de Broglie, annonce que le maréchal ne demande plus dix, mais sept ans de plus. Un septennat. En insistat sur l'urgece du vote. La moyenne de vie des Bourbons étant de de soixante ans et le comte de Chambord, "M. de Trop", ayant cinquante-trois ans, on comprend aisément le macabre calcul des Orléans!

L'intransigeance d'Henri V et l'obstination de Mac-Mahon obligent donc l'Assemblée à bricoler à la hâte un pouvoir suprême, ni lieutenant-généra, ni dictateur, ni inter-roi ou régent, un chef d'Etat baptisé "président de la république". En attendant la Monarchie. Certains craignent que l'on offre à Mac-Mahon ce que l'on avait accordé à Bonaparte. D'autres pensent au contraire qu'un président élu avec quelques voix de majorité n'aura aucue autorité. Tous sont décidés à gagner du temps. Les orléanistes pour attendre que la mort du comte de Chambord installe le compte de Paris sur le trône. Les bonapartistes parce que le prince impérial est encore à quelques années de sa majorité. Les républicains pour faire avancer leurs idées. Quant aux légitimistes, ils ne savent même pas que le Roi est à Versailles. Lui ne croit pas que le septenat sera voté. Il pourrait avoir raison. Il suffirait d'un geste de lui.

19 novembre 1873. Ce soir, Dreux-Brézé est passé rue Saint-Louis. La séance devant reprendre à vingt et une heures trente, il est reparti.

A dix heures, le duc de Broglie monte à la tribune. Si le septennat n'était pas voté, ce serait le saut dans l'inconnu! Le pays est au bord de l'anarchie! Une mesure de salut public! Et puis, le maréchal ne s'est-il pas engagé à défendre les idées de la majorité conservatrice?

Hier après-midi, le fils de Charlemagne a été reconnu en ville. Aussitôt le bruit a circulé : "Le Roi est ici!" Si c'est le cas et qu'il ne dit rien, c'est qu'il consent au Septennat, ont plaidé les orléanistes toute la journée dans les couloirs de l'Assemblée. Mais ce soir, au moment crucial, les regards se tournent sur Blacas et Dreux-Brézé, muets comme des tombes, isolés sur leur banc.

A minuit on vote.

Rue Saint-Louis, Chambord trouve le temps long, il tombe de sommeil. Il défait sa cravate, déboutonne sa chemise, s'assoupit dans un fauteuil. Il sourit. Le même songe revient. Toutes les nuits depuis son arrivée à Versailles, il rêve qu'il pénètre dans le monde où il ne boite plus. Il est dans la cour du château, adossé au socle de la statue équestre de Louis XIV, caché dans l'ombre que le Roi-Soleil fait au clair de lune. Sous son manteau il a caché un drapeau tricolore dont il a prédécoupé le rouge. Le marquis de Dreux-Brézé court vers lui, il bondit, il crie, il rit : "Le Septennat n'est pas voté! Monseigneur, l'Assemblée attend Henri V! Vive le Roi!" Et Chambord rayonnant le suit à la tribune. Lorsqu'il fait cesser les acclamations redoublées, il déplie le drapeau tricolore et d'un geste auguste et calme déchire le rouge, réconciliant les Français autour du bleu et du blanc! Henri V, entouré de princes de la Maison de France et des maréchaux de l'armée française, descend les Champs-Elysées pavoisés de bleu, mais soudai son cheval blanc se cabre, Dreux-Brézé frappe à la porte, il est presque une heure. Chambord se frotte les yeux et se redresse. Sa jambe le fait souffrir. Il va ouvrir.

- Le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au maréchal Mac-Mahon, duc de Magenta, chef de l'Etat depuis le 24 mai. Cette fonction continuera à être exercée avec le titre de "Président de la République" dans les conditions actuelles jusqu'à ce qu'elles soient modifiées par les lois constitutionnelles. Le Septennat est établi jusqu'au 20 novembre 1880.

Le comte de Chambord comprend sans broncher l'échec de son occulte conquête. IL dit deux mots à Dreux-Brézé et se retire.

Le fils de Charlemagne guettera jusqu'à une heure et demie la porte de l'Assemblée, rue des Réservoirs, avant de rentrer rue Saint-Louis, pour trouver la maison éteinte, les occupants endormis. A deux heures, tous les articles étaient votés.

20 novembre 1873. A son réveil, Chambord est informé du résultat définitif du scrutin. Il n'a pas cru au Septennat, il a eu tort. Il a fait ses adieux lorsque arrive le général Ducrot.

- Quelle douleur j'éprouve, Monseigneur, de vous voir dans cette petite maison tandis que la République trône en maîtresse dans la palais du Grand Roi! Ah! Pourquoi ne nous avez-vous pas fait connaître votre présence ici? Jamais nous n'aurions voté le Septennat!

- Et qu'auriez-vous fait, mon cher général?

- Ce que j'aurais fait, Monseigneur! Mais j'aurais prévenu tous mes amis et nous serions venu ici nous grouper autour de vous. Nous aurions dit aux princes de la Maison de France de venir auprès de vous. Vous auriez déclaré rebelle celui qui aurait refusé de vous suivre. Vous auriez dit au maréchal : "Marchez avec moi ou arrêtez-moi." Je connais le maréchal, il vous aurait suivi! Et ainsi entouré, vous vous seriez présenté à l'Assemblée, qui vous eût proclamé Roi de France. Quelle belle occasion vous avez perdue!"

Agréable extrait du "Louis XX Contre-enquête sur la Monarchie" de Thierry Ardisson paru chez Olivier Orban en 1986.

Il s'agit d'un essai romancé, riche en anecdotes et formules comme Ardisson en a le secret.

Mais votre serviteur, employé de l'homme en noir il y a plus d'une décennie, a de son côté aussi un émouvant scoop à présenter : les photos - inédites jusqu'à maintenant? - du jardin de l'hôtel particulier versaillais du comte de Vanssay, décrit dans le deuxième paragraphe.

FACADE 5 RUE SAINT-LOUIS

FACADE 5 RUE SAINT-LOUIS

PLAQUE COMMEMORATIVE 5 RUE SAINT-LOUIS

PLAQUE COMMEMORATIVE 5 RUE SAINT-LOUIS

UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...
UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...
UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...
UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...
UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...

UN EMOUVANT JARDIN A VERSAILLES...

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